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Témoignage de Valentina, association Toit à Moi

Dernière mise à jour : 18 sept. 2021


Peux-tu te présenter ?


Je m’appelle Valentina. Je travaille pour l’association Toit à Moi, « toit » parce que l’idée est d’offrir un toit aux personnes sans-abris sous forme de logement privatifs, avec des baux d’occupation précaires qui permettent d’avoir un loyer un petit peu moins cher que sur le marché normal.



Et comment ça marche ?


Le projet de l’association c’est de fournir un logement tremplin, l’idée ce n’est pas que les personnes restent dans nos appartements mais qu’elles y passent un temps. Le temps qu’il faut d’ailleurs pour qu’elles se reconstruisent, il n’y a pas de date ça peut être un an, deux ans, trois ans, cinq ans... mais il faut sortir à un moment donné et ça ils le savent bien à l’entrée dans le logement. C’est rare que les personnes sortent au bout d’un an, on est plus sur une moyenne de trois à cinq ans. Les situations qu’on accueille sont rarement simples, ce sont des personnes qui ont plusieurs niveaux de difficulté, à la fois administratif, de recherche de travail, de formation, et de santé parfois, et d’isolement. L’idée, c’est de créer un microcosme qui leur permettra d’aller vers les autres, de sortir de leur propre isolement et de rencontrer des personnes, et ça c’est le travail des bénévoles.



C’est super, combien de personnes pouvez-vous accompagner ?


On a plusieurs antennes déjà actives dans sept villes différentes. On a des petits effectifs, à peu près 5 appartements par antenne, ce qui fait que c’est un accompagnement personnalisé.



Et comment financez-vous ces logements ?


Concernant les logements, c’est un modèle économique basé sur des dons privés avec lesquels on achète les appartements. S’y ajoutent le mécénat d’entreprise : ce sont d’autres dons qui sont conséquents mais qui vont permettre de payer les salariés et le fonctionnement de l’antenne, ainsi que toute la vie associative. Et ce système marche plutôt bien. On a déjà 34 appartements acquis, on en aura beaucoup plus plus tard j’espère ! On est en cours d’acquisition dans d’autres villes et ça marche plutôt bien. En 2017 c’était le début de Toit à moi il aura fallu 2 ans pour acheter le premier appartement et maintenant on peut en acheter une dizaine dans ce même laps de temps donc c’est plutôt chouette !



Comme tu le sais je m’intéresse au lien entre précarité et santé, pourrais-tu m’en dire plus

quant au rapport qu’ont les bénéficiaires avec leur santé ?


On a affaire à un public qui a dû survivre malgré tout pendant plusieurs années et qui

n’a pas eu le temps de penser à sa santé. Au départ, à l’arrivée dans les logements, à moins

qu’il y ai déjà des problèmes de santé connus et suivis on ne parle pas tout de suite de santé. Parler de santé c’est intime, c’est aussi parler de soi, et souvent ce n’est pas tout de suite qu’on en parle. Et puis au bout de quelque temps, j’observe dans certains cas des dégradations de santé. C’est peut-être psychologique aussi mais ça se répercute sur le somatique. Il leur a fallu un an pour que ces problèmes de santé se déclarent de façon parfois violente ou alors très visible. Il faut du temps pour abandonner un peu la modalité de survie, pour abandonner l’idée qu’on va nous jeter dehors parce que c’est la plus grosse crainte, malgré tout de ne pas pouvoir tenir l’accompagnement et de ne pas pouvoir garder le logement.

J’ai cet exemple d’une personne qui avait déjà un suivi psychiatrique au CMP, mais uniquement psychiatrique, et pas du tout global, alors que c’était un ancien mineur isolé avec une histoire très lourde. Son suivi c’était beaucoup de médicaments et une visite une fois par mois, et le confinement a tout fait exploser. Il a mis en échec son suivi mais parce qu’il ne le comprend pas ; il ne comprend pas pourquoi il doit prendre son traitement et quels sont les buts de ses consultations, et pourquoi il a des effets indésirables aux médicaments. Et il va falloir rebâtir tout ça, ensemble, maintenant qu’il a la sécurité du logement il va pouvoir se reconstruire. Le fait d’avoir un chez soi pour peut-être la première fois et sur une plutôt longue durée, ça crée une décompensation et ça fait ressortir certaines choses au bout de quelques mois. Et on n’imagine pas que ça va se répercuter comme ça, que le logement va amener des problématiques de santé sous-jacentes.

On a une autre personne c’est une femme avec enfant, la quarantaine, et elle est en

ménopause précoce avec des problèmes de santé gynécologiques très douloureux, des

nodules etc... C’est une femme qui n’a jamais fait d’examen gynéco jusqu’alors, qui ne connait même pas l’existence du frottis. On lui fait les examens et on la renvoie chez elle avec une pilule, un traitement qu’elle ne connait pas et n’a jamais pris et dont elle ne comprend pas le lien avec ses problèmes gynécos. S’ajoute à ça qu’elle ne sait pas la prendre sa pilule, alors elle a des saignements, elle s’arrête, elle se dit que ça ne marche pas parce que personne ne lui a expliqué ce que c’était censé faire. Je pense que parfois on donne pour acquis ce qui ne l’est pas. Tout le monde connait la pilule certes et pourtant beaucoup de femmes la prennent de façon très désorganisée.

On est dans deux situations qui ne se ressemblent pas du tout et pourtant c’est le même problème d’incompréhension du traitement et du pourquoi on fait ça. On manque

peut-être de pédagogie là-dedans, expliquer quels sont les effets attendus et les effets qui ne sont pas attendus. Parce que la personne qui ne comprends pas va mettre en échec ses

traitements, elle ne fait pas le lien.

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