Pour commencer, peux-tu te présenter s’il te plait ?
Je m’appelle Amélie, je dépends de Wake Up Café (WKC) Lyon. Je suis chez Wake Up depuis quatre ans déjà, j’ai commencé à Paris avec comme mission de chercher et consolider les partenariats, de recherches de financements. Après je suis passée sur des missions d’animation et d’événementiel et je suis sur l’antenne de Lyon depuis 2019. Sur d’abord des rôles de partenariats et aujourd’hui un rôle de responsable de site.
Tu peux expliquer un peu ce que c’est WKC ? parce que t’es une des premières de l’asso non ?
Ouais, quand je suis arrivée on était 5 et aujourd’hui ils sont 30-35 à Paris et on est sur quatre
antennes, deux en IDF, une à Lyon et une à Montpellier et une bientôt à Marseille, donc ça a
bien bougé.
WKC c’est une asso qui accompagne les personnes dans leur parcours de réinsertion
dans le but d’éviter la récidive. L’idée c’est de créer une communauté d’entraide qui permet
aux personnes à leur sortie de trouver des lieux sécurisants et qui leur permet aussi de
rencontrer des personnes qui vont leur permettre d’avancer dans leur parcours. C’est un
accompagnement individuel des personnes où on va essayer de comprendre au mieux leurs
besoins, ça peut être logement, emploi, addiction, etc, et de répondre à tout ça avec des partenaires qui travaillent avec nous. En plus de ça, le WKC c’est un accompagnement collectif, c’est d’ailleurs un des critères pour rejoindre l’asso, c’est qu’ils aient envie d’intégrer une communauté d’entraide. On leur dit quand ils rejoignent l’asso que dans un premier temps ils vont beaucoup recevoir, mais qu’on en attend d’eux qu’ils donnent au bout d’un moment de leur expérience, de leur savoir-faire. Cette communauté, elle se matérialise par 2 rencontres par mois, une le premier mercredi de chaque mois qui est le Wake Up diner et qui réunit tous les Wakeurs, les bénévoles, les partenaires, pour partager un moment de convivialité. Et la deuxième, c’est le Wake Up Planet, c’est un groupe de parole, en fait il y a peu de place dans la société ou les gens peuvent s’exprimer librement sur ce qu’ils ressentent et sentir qu’il y a une vraie écoute autour d’eux. Et nous chez WKC on veut leur offrir ce moment-là, et qu’ils puissent le partager entre eux, parce qu’ils ont beaucoup de choses à s’apporter entre eux sur les choses qu’ils traversent. Et en plus de ces deux choses-là, WKC propose depuis peu un parcours d’aide à la rechercher d’emploi depuis la sortie. L’idée c’est que nous on accompagne la personne de là où elle en est pour l’emmener à ce qu’elle a envie de devenir. Y’a des personnes qui sont hyper prêtes à l’emploi en sortant de prison et des personnes pour qui ça va prendre un peu de temps. Et l’idée c’est que ce temps-là elles le passent à WKC en participant à des ateliers le matin et l’après-midi. Le matin tourné sur l’emploi et l’après-midi tourné sur la reconstruction de soi. L’idée, c’est qu’à la fin de ce temps-là ils réintègrent un travail dans une des entreprises partenaires de WKC en se connaissant mieux, et en sachant gérer ses émotions le mieux possible, savoir gérer le stress et se sentir mieux. Donc voilà, le WKC c’est un parcours à la sortie de remobilisation et de préparation à l’emploi, un accompagnement individuel, et l’intégration d’une communauté d’entraide.
Et c’est quoi pour toi le plus dur dans ta mission ? Est-ce que parfois t’es confronté à l’échec, est-ce que parfois c’est compliqué ?
Je pense que ce qui peut être compliqué c’est d’arriver à se dire qu’on peut pas faire à la place des personnes qu’on accompagne, que c’est une démarche volontaire et des fois on a envie de les secouer et de leur dire « non arrête faut que tu fasses les choses comme ça » et c’est pas possible. Faut vraiment avoir un rôle d’accompagnement et accepter aussi l’échec là-dedans. Y’a certains Wakeurs avec qui ça marche pas, pour qui l’emploi ça marchera pas et qui retournent en détention. Et en fait c’est pas grave, ça fait partie de leur parcours et de
toutes façons tout ce qu’on fait avec eux ça leur servira forcement à avancer.
Et au contraire c’est quoi la meilleure partie ?
C’est de voir les wakeurs s’épanouir. Ce qui est chouette, c’est qu’on voit vraiment beaucoup d'évolution chez eux entre le premier jour où ils arrivent, où ils sont très timides, très renfermés sur eux-mêmes. Ils ont un énorme masque et une énorme carapace qu'ils se sont construits autour d’eux parce qu’ils étaient dans des milieux où ils en avaient besoin, de cette carapace. Et puis, petit à petit, on les voit briller, on les voit se relever et prendre confiance en eux. On les voit changer leur façon de parler, on les voit aussi prendre beaucoup de responsabilités à WKC, se sentir vraiment chez eux. Et ça se voit aussi dans leur parcours vers l’emploi où ils sont bien.
C’est ça qui est chouette, ce qui me fait plaisir c’est quand les wakeurs sont là, qu’ils sont contents d’être là et ils se sentent chez eux, ils se sentent bien. Et voir qu’on arrive à aller chercher et à trouver le petit truc au fond d’eux dont ils ont pas forcément connaissance mais qui est très très chouette et très lumineux. Et faire resplendir ça, et les faire se sentir bien, et ça c’est très très chouette.
Et tu connaissais le milieu carcéral avant de rentrer à WKC?
Je suis arrivée avec tout mon lot de préjugés. Je connaissais pas du tout le milieu carcéral, j’y avais jamais pensé. C’est un public auquel on pense pas. J’avais bossé plus avec des personnes en situation de migration avant et je suis arrivée chez Wake Up totalement par hasard en voyant une offre de poste. Ce qui me parlait c’était plus ce lien de communauté, ce lien de famille qu’ils instauraient avec les personnes, et la prison, j’y avais pas forcément réfléchi. Du coup, j’ai beaucoup appris au contact des personnes. J’ai beaucoup déconstruit de choses aussi sur la prison et les personnes qui y étaient.
En fait c’est un public qui est loin, qui est enfermé et qu’on médiatise pas comme on peut médiatiser d’autres publics comme les personnes migrantes, les personnes atteintes de handicap ou les enfants. Les personnes sortant de prison on les met direct dans la case que c’est des personnes qui sont mauvaises, donc qui doivent être enfermées, donc qui n’ont pas besoin d’aide. Alors qu’en fait c’est des personnes qui ont énormément besoin de nous.
Qu’est-ce que tu dirais au gens qui n'ont aucune connaissance du milieu carcéral ? Qu’est-ce que tu dirais pour déconstruire les préjugés ?
Ce que je dis habituellement c’est qu’il y a 20% des personnes incarcérées qui le sont pour des crimes. 80% c’est des délits. Et la peine d’emprisonnement moyenne en France elle est de 9mois, donc c’est rien en fait. Y’a beaucoup de personnes qui sont incarcérées pour des
courtes peine, pour du vol, du trafic, etc. Et on a toute une image des gens qui sortent de prison comme des personnes qui ont agressé, tué, violé, et en fait, c’est pas ça la population carcérale aujourd’hui. Pour certaines personnes, alors pas toutes hein, c’est des accidents de parcours comme ça pourrait nous arriver à tous et à toutes. Pour d’autres, c’est des personnes qui ont grandi dans des milieux où ils ont fait des mauvais choix, bien sûr dépendants de leur volonté, mais c’est des milieux qui les ont pas portés. Des milieux souvent très violents où la question c’était plus la survie en fait, et la voie de sortie qu’ils ont choisi c’était la délinquance. Quand tu sors de prison c’est hyper dur de sortir de ça. Quand tu sors, t’as pas forcement de personnes atour de toi pour t’accompagner, t’as pas d’argent, t’es dans la merde et le regard des gens est hyper négatif sur toi. Tu peux dire à personne que t’as été en prison parce que c’est un tabou. Eh ben en fait, le plus simple c’est de retourner dans tes trafics. Parce que sinon t’y arrives pas, c’est trop dur, toutes les portes se ferment autour de toi. Et si y’a véritablement un changement de regard sur ces personnes qui sortent de prison, elles vont pas être poussées à aller vers autre chose. Elles vont pas en prison parce que c’est chouette, elles vont en prison parce que c’est un cercle dont elles arrivent pas à sortir si y’a pas quelqu’un qui les prend et qui leur dit "viens on se fait confiance et tu peux être quelqu’un de très très chouette et tu peux faire quelque chose de très très beau de ta vie. Nous on peut t’accompagner". Et en fait, c’est des belles personnes, moi je suis rentrée à Wake up j’étais jeune, j’avais 20 ans, et dans ces 4 derniers années les personnes qui m’ont le plus construites autour de moi c’est les wakeurs, parce que c’est des belles personnes qui sont très fortes. Parce que pour faire le travail qu’elles font autour d’elles-même, faut être super super forts. Y’ a pleins de belles choses à apprendre de ces personnes-là et il suffit juste de leur tendre la main et de leur faire confiance. A partir du moment où on leur fait confiance tout peut bien se passer.
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