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Léa Camerano

Témoignage d'une bénévole dans une association d'accompagnement social

Dernière mise à jour : 19 sept. 2021


Est-ce que tu peux te présenter ?


Je suis ingénieure en biochimie et je suis athlète et bénévole dans une association d'accompagnement social depuis presque 1 an et demi.



Tu peux nous parler un peu de ton parcours personnel et associatif, et de ce qui t’as donné envie de te lancer dans l’associatif ?


J’ai toujours été intéressée par l’associatif, même avant de commencer mes études universitaires. J’avais fait des stages chez Greenpeace, Mouvements contre l’Intolérance en Espagne, parce que je viens d’Espagne, et après je voulais faire des études qui me permettraient ensuite de pouvoir les mettre au service des gens. Donc j’ai fait des études d’ingénieur en biochimie, et au final je ne voyais pas vraiment cette idée derrière. J’ai commencé une thèse sur le diagnostic où je pensais que j’allais voir plus de résultat, parce que c’était des diagnostics pour des pays en développement, mais en fait c’était tellement éloigné de l’humain que je ne le voyais pas. Donc en mars 2020 avec toutes les histoires du confinement, du Covid et tout, ça m’a fait me poser plein de questions, ça faisait des années que je voulais mettre au profit mes activités au service des gens et j’y arrivais pas avec les études que j’avais faites donc j’ai commencé l’associatif. Et j’ai trouvé l’association dans laquelle je suis bénévole à présent, j’ai vu qu’ils voulaient aider les gens dans la rue, donc sans trop savoir ce qu’ils faisaient ni rien j’ai commencé, et depuis je continue. Et ça m’a vraiment épanouie, je vois vraiment des résultats derrière, que je peux aider des gens avec des choses simples. Donc voilà, c’est ça qui me motive à continuer.



Est-ce que tu pourrais expliquer ce que tu fais dans cette association, et en quoi consiste l’association et l’accompagnement ?


C’est une association dans laquelle on fait de l’accompagnement social. On va venir à l’écoute des gens, et s’il y a besoin derrière qu’il y ait un accompagnement on va le proposer. On ne se substitue pas aux assistantes sociales ni rien, on fait plus de l’orientation, parce que c’est vrai que des fois les gens qui sont dans la rue ou dans des situations de squat et tout ne savent pas les structures ni tout ce qui existe et qui peut les aider. Moi je travaille beaucoup avec les demandeurs d’asile et les réfugiés, donc qui parlent pas forcément la langue, qui viennent d’arriver dans un nouveau pays, et qui comprennent pas les documents qu’ils reçoivent, les démarches qu’il faut faire et tout. Donc nous on va être là pour leur expliquer, leur dire où est ce qu’ils peuvent avoir une assistance sociale, où est ce qu’ils peuvent aller chez le médecin,... Comprendre juste des trucs aussi simples, par exemple ils ont reçu un document et ils ne savent pas ce que c’est, et bien leur expliquer. Après des fois quand y a plus de besoin on va aller plus loin. Par exemple il y a une personne qui est assez handicapée, un handicap mental, et elle oublie les choses, ses rendez vous, donc il faut l’accompagner chez le médecin, aller avec lui, lui rappeler ses rendez vous, etc. Donc c’est très varié. Ça va de ça, et après à côté y a une autre personnne elle veut demander un regroupement familial, elle a eu les papiers, bon bah l’accompagner chez des avocats pour qu’elle puisse faire venir sa famille ici, etc. Et des fois c’est juste du soutien et de l’écoute tout simplement. Ils ont envie de parler et tu es là à les écouter.



Et comment tu arrives à concilier ta vie perso, ta vie pro, et l’associatif ?


Le problème de l’associatif c’est que quand tu commences, après c’est très dur de mettre les limites. Parce que tu sais qu’il y a des gens derrière, donc s’ils vont te demander de l’aide c’est très dur de dire « non je peux pas » ou « non j’ai pas le temps », donc c’est vrai que de ce côté-là c’est assez dur de mettre des limites. Après t’arrives à « inventer du temps », parce que moi je suis en 4ème année de doctorat et là je suis en train de rédiger, je fais de l’athlétisme à côté, donc j’essaye déjà de me dire qu’il ne faut pas que j’arrête ni l’un ni l’autre. Par exemple les lundi soirs j’ai rien, et bien je me dis que je vais venir tous les lundi soirs dans le secteur pour voir les gens. Les week-ends j’ai du temps aussi, donc je sais que je vais mettre une partie de ce temps pour aider les gens. Mais c’est vrai qu’au final ça prend beaucoup de temps, parce qu’après des fois dans mes pauses, comme tu orientes et tu dois appeler des avocats ça doit être des heures de travail, donc dans mes pauses je vais appeler les avocats, médecins et tout, donc... ça prend du temps ! Au début je pense que tu te sens plus obnubilé, mais après tu connais mieux toutes les procédures et tout donc tu vas mieux répondre et plus vite. Et après t’arrives mieux à te dire « là je fais ça pendant cette heure-là et après j’arrête », et surtout on essaye de travailler avec plein d’autres associations donc pas porter toute la responsabilité mais pas non plus déléguer. Aussi des fois le risque c’est qu’il faut pas oublier que c’est des gens indépendants et il faut leur dire que c’est à eux de le faire, et si tu n’y arrives pas je t’aide à le faire. Sinon tu fais pour tout le monde, toi tu ne t’en sors pas et c’est pas bien pour les gens non plus. T’apprends au fur et à mesures à mettre les limites.



Est-ce que tu avais des préjugés envers les personnes en situation de précarité ou les réfugiés et que l’accompagnement t’as permis de déconstruire ?


Déjà, moi quand j’avais vu la proposition qu’ils cherchaient des bénévoles pour aider des gens dans la rue, je ne savais pas du tout comment étaient les gens à la rue. Je sais pas si j’avais des préjugés, je pense que je savais vraiment pas à quoi m’attendre, je m’étais jamais arrêtée à réfléchir à qui vivait à la rue et comment ils vivaient ni rien. Et après ça m’a surpris de voir que la plupart des gens avec qui je travaille sont des garçons. Comme les femmes et les familles sont prises en charge plus rapidement, moi je travaille surtout avec des jeunes hommes parce que c’est ceux qui sont en bas du système en fait. Parce que d’abord les structures vont prendre en charge les familles avec enfants, ensuite les femmes, ensuite les personnes âgées ou malades, et ensuite c’est les jeunes hommes. Parce qu’ils sont en pleine santé et peuvent vivre dans la rue parfaitement. Du coup je travaille avec eux, et en fait ils ont mon âge et ils sont complètement comme moi ! Donc ça a été une surprise de voir qu’il y avait des gens exactement comme moi mais qui se retrouvaient dans une situation très difficile. Et ça je pense qu’on ne s’en rend pas compte. Des fois on s’imagine que les gens à la rue c’est plus des gens marginaux, que ça peut pas nous arriver, qu’ils sont différents de nous mais en fait non. Au début c’était très surprenant. Je pense que quand tu commences à voir ça tu vas plus commencer à essayer de chercher des solutions, pas continuer à fermer les yeux. J’ai appris des parcours qui me paraissaient super « distants », ce que t’entend à la télé, et en fait ils sont juste là.



Est-ce que tu as l’impression que l’associatif t’as changée, que ça a changé ta manière de voir les choses ?


Ha oui ! Je pense que ça a tout changé. Déjà, ça te fait réfléchir à tout en fait. Moi là je finis mon doctorat, et sur ce que je veux faire après ça me fait me poser plein de questions. J’aimerais encore plus aider les gens. Je suis dans une situation où je peux aider, pas parce que je suis au-dessus mais juste pour moi ça a été plus simple parce que je suis née ici, j’ai eu accès aux études et tout. Et avec des choses simples, je peux les aider donc j’aimerais pouvoir faire un travail qui me permette de le faire davantage. Et après, je pense que ça te fait réfléchir tous les jours sur des gestes qui pourraient te paraître beaucoup plus graves, tu relativises plus.



Qu’est-ce qui est le plus dur dans ton travail associatif ?


Que tu n’as pas de solution à tout. Des fois y a des situations où y a pas de solution, et il faut accepter ça. Y a des choses que tu vas pas pouvoir changer, et il ne faut pas absorber toute cette souffrance. Il faut se protéger aussi, et ça c’est difficile. Par exemple, il y avait une personne dont la demande d’asile a été refusée, il a fait un recours qui a été refusé aussi. Il était parti loin de sa famille depuis 5 ans, ses enfants sont dans son pays, et il n’y a pas de solutions, il ne peut pas avoir les papiers. Devoir lui dire ça après tout ce qu’il a souffert déjà, c’est la partie la plus dure.



Comment tu fais face à ces difficultés?


Je suis toujours en processus d’apprentissage, mais je pense que déjà savoir que tu es là donc que ça apporte déjà une aide, il faut se focaliser sur ça. Que t’es un individu pas superpuissant, tu peux pas trouver de solution à tout, donc déjà juste que ta présence va beaucoup aider la personne. En plus la plupart du temps ce sont des personnes qui sont très fortes, donc elles vont arriver à rebondir. Je trouve que c’est pas une solution de s’endurcir, parce que après t’oublies qu’il y’a une personne derrière. Il faut rester aussi humain que la 1ère fois. Cette empathie va rassurer la personne, qui va se sentir comprise. C’est dur de trouver le juste milieu.



Est-ce que tu parles des situations compliquées avec d’autres membres de l’association ?


Oui, c’est très important, il y a des situations que tu ne peux pas garder pour toi. Quand tu ne sais pas comment les gérer, extérioriser c’est important.



Et qu’est-ce qui est le plus beau ?


Toutes les rencontres que tu fais! Il y a des personnes qui deviennent même des amis. Il y a plein de fois je viens là, je reste 3h mais on fait que rigoler, on fait de la trottinette et du vélo, on oublie un peu chacun nos problèmes, d’où on vient, on est juste là à partager un moment



Qu’est-ce que tu penses que ces personnes t’ont appris ?


Énormément sur leur culture, leur religion, comment ils voient la vie, ... c’est une manière très différente de voir les choses. Il y en avait un qui n’a pas réussi à avoir les papiers en France, et qui du coup veut traverser en Angleterre. Il a traversé la France déjà, et aller en Angleterre c’était super dangereux. J’étais assez choquée mais lui il trouvait ça normal, à dire qu’il allait tout faire pour avoir une vie meilleure, même s’il fallait prendre des risques. Et ça c’est inimaginable pour nous. Leur résilience, leur capacité à rebondir. Ils se tournent aussi beaucoup vers la religion, ils se disent que c’est le destin qui l’a voulu ainsi.



Malgré toutes ces histoires difficiles à entendre, qu’est-ce qui te donne l’énergie de continuer ?


C’est de voir qu’avec des choses toutes simples tu peux aider. Puis moi aussi je suis aussi venue d’Espagne, donc je comprends, quand t’arrives et que tu ne sais pas comment marchent les choses, que quelqu’un du pays puisse t’expliquer ça aide énormément. Rien que des petits trucs, comme activer une carte SIM ou autre, moi ça me coûte rien et ça va énormément aider. Voir qu’avec des petits trucs t’as des résultats tout de suite c’est hyper motivant.



Est-ce que t’as une histoire qui t’as particulièrement touchée dont t’aimerais nous parler ?


Il y en a plein ! Je peux donner l’exemple du parcours depuis le Soudan. Il faut savoir que là-bas il y a un génocide, donc les gens fuient un génocide. Normalement les gens du Soudan passent par la Libye où ils peuvent rester plus ou moins longtemps. En Libye y a plein de problèmes, si t’as de l’argent ça va bien se passer, si t’en as pas ça va moins bien se passer. Ils peuvent t'incarcérer, te torturer ou te tuer. Dans tous les cas, tous les gens qui passent en Libye doivent travailler là-bas dans des conditions plus ou moins bonnes pour arriver à réunir assez d’argent pour payer les mafias lybiennes et les transferts. Donc déjà ils peuvent rester plusieurs mois en Libye, voire plusieurs années, après ils réussissent à prendre le bateau. En fonction du pays où tu pars, les bateaux sont plus ou moins bien, la plupart du temps en Libye c’est les bateaux gonflables donc tu prends un risque. Tu vas ensuite arriver soit en Italie soit à Malte, pour la plupart c’est en Italie. On va prendre tes empreintes là-bas, et après y a une procédure qui fait que tu peux faire une demande d’asile que dans un pays à la fois. Donc par exemple t’arrives en Italie mais ton objectif c’est d’arriver en France, parce que tu sais par exemple que tu vas avoir plus d’aides ou parce que t’as des amis ici ou quoi que ce soit, et du coup t’arrives en France après tous ces mois ou années de traversées. La France est sensée héberger les demandeurs d’asile, tant que tu fais ta demande tu dois être hébergé. Sauf que dans la pratique y a pas de place, donc t’as une allocation d’aide aux demandeurs d’asile qui est augmentée si t’as pas de logement en compensation. Mais tu vas quand même te retrouver à la rue. Tu vas arriver à la gare vers part Dieu, et si t’as de la chance tu vas rencontrer des gens de ton pays qui vont t’aider un peu et te donner des info. Mise à part toutes les violences qu’ils ont subies, après il y a toute l’attente. Dès que t’es en France tu es mis en procédure Dublin parce que ton pays responsable c’est l’Italie, si t’es arrivé là-bas initialement. Donc pendant plusieurs mois tu dois attendre pour savoir si la France peut accepter ta demande d’asile ou si tu dois retourner en Italie. C’est l’attente de la décision du pays responsable. Ça peut durer jusqu’à 1 an. Si t’as de la chance après un an t’es en procédure normale, sinon tu te fais renvoyer en Italie. C’est déjà un an où tu ne peux rien faire, t’as pas le droit de travailler, t’as le droit à rien du tout, t’es juste dans l’attente. Tu ne sais rien du tout. Tu touches une petite aide, et y a une bonne partie de cette petite aide que tu renvoies à ta famille restée au pays. Donc une fois en procédure normale tu dois écrire ton histoire, t’es convoqué pour un entretien après, et ils vont décider si ton histoire vaut la demande d’asile ou pas. Quand t’es dans l’entretien, ils vont demander des choses très personnelles. Parce qu’une demande d’asile tu la donnes à des gens qui sont en danger dans leur pays, pas juste parce qu’ils fuient une guerre. Il faut que toi, en tant que personne individuelle, tu sois en danger. Après, si tu as la protection internationale t’as un titre de séjour qui te permet de travailler. Si t’avais un foyer de demandeur d’asile, le foyer est fini, t’as 3 mois pour le quitter. Et l’allocation se finit, mais par contre tu vas toucher le RSA ou autre. Mais y en a beaucoup qui se retrouvent de nouveau à la rue, parce que il faut trouver du travail, c’est encore compliqué. Tu peux aller à la maison de la veille sociale à Lyon pour signaler ta précarité et que t’as besoin d’un logement, mais ça ça prend des mois.

Tu vois aussi une évolution, par exemple moi je vois des gens qui ont le statut de réfugié depuis 4 ans et en fait ils n’en peuvent plus parce que leur situation ne s’est pas vraiment améliorée. Il y a beaucoup de gens qui n’obtiennent pas la protection internationale. Donc il y a des gens qui vont tenter d’aller dans un autre pays ou essayer de rester quand même en France obtenir un autre type de titre de séjour. Si tu veux rentrer dans ton pays, tu peux demander une aide au retour volontaire. Et là ils vont tout faire pour t’aider à te payer les billets d’avions. Des fois ils me disent que c’est pire la souffrance ici. L’impression ici d’être traité comme un animal. Et ce que les gens ne réalisent pas aussi, c’est que tous, leur rêve c’est de trouver un travail, n’importe lequel, être utile à la société, et on leur met tous les freins pour le faire. Ils font des travails en plus que personne ne veut.



Sur le plan médical, qu’est-ce que tu aurais à dire ? Quels sont les problèmes que tu as pu rencontrer dans tes accompagnements ?


Comme je fais de l’orientation, je vais aussi orienter vers les structures de santé. Et en fait ce que moi j’ai vu, c’est que les personnes ne savent pas à quoi elles ont accès. Qu’elles y ont accès même sans papiers, sans argent. Ils sont un peu démunis face à ça. Après, il y a aussi les gens qui vont chez le médecin, ont les résultats, et n’ont pas bien compris ce qu’ils ont et ce qu’ils doivent faire derrière. Il y avait une personne qui était allée chez le dentiste et les résultats étaient qu’il devait se faire enlever 2 dents, mais elle ne parlait que anglais et les médecins ne parlaient pas anglais. Il avait même pas compris qu’on devait lui enlever ces 2 dents. Sinon, pendant une discussion il y a une personne qui m’avait dit qu’elle était un peu fatiguée, qu’elle avait une maladie mais pas compris quoi. Je lui ai proposé de regarder avec lui sur ses papiers, et en fait il avait une IST ! Je lui ai expliqué que c’était assez grave s’il ne se faisait pas soigner, mais lui il avait pas vraiment compris ça. Le problème c’est ça, de recevoir des documents que tu ne comprends pas. Moi comme j’ai fait de la biologie au moins je peux un peu les aider. Il y en a un que j’ai accompagné chez le médecin. Il parle un peu français, mais le médecin disait qu’il ne comprenait rien et qu’il fallait qu’il revienne avec un traducteur. Au final, c’est moi qui ait fait le traducteur français - français ! C’est qu’il ne prenait pas le temps d’essayer de le comprendre. Après, je critique pas les médecins qui font beaucoup, c’est plutôt vraiment les gens qui ne savent pas à quoi ils ont accès. Il faudrait qu’il y ait plus de gens qui leur communiquent ce à quoi ils ont accès.

Il y a aussi un autre gros problème niveau santé, c’est que quand tu es à la rue tu peux développer des pathologies mentales, parce que tu as vécu des choses très compliquées, et en fait il y a zéro soutien. Normalement il y a Interface sdf qui a des équipes psychiatriques qui maraudent, mais c’est pas du tout suffisant. Je vois beaucoup de problèmes psychiatriques. Il arrive aussi de rencontrer de nouvelles personnes en bonne santé et au fur et à mesure du temps tu vois une décadence complète. Mais c’est normal aussi de tomber dans la maladie mentale quand t’as tout ce vécu, surtout quand des fois ça peut se mélanger avec des drogues ou autres. Dans la rue ça peut arriver qu’y ait de l’alcool où des drogues, c’est pas du tout une majorité mais si t’as déjà une maladie ça peut l’aggraver. Et dans ce cas je pense qu'il est important d'offrir un soutien rapide pour sauver la personne et éviter que des choses graves arrivent.



Le Covid n’a pas été un frein pour toi dans l’association ?


Non parce que justement l’association a fait un appel de bénévoles parce que beaucoup d’autres ne pouvaient pas continuer. C’est comme ça que j’ai commencé. Mais c’est vrai que ceux qui faisaient déjà des maraudes et tout avant ont été un peu plus gênés. Déjà le masque et la distance, quand tu fais de l’accompagnement social c’est beaucoup plus compliqué. Mais à la fin ça devient quelque chose de normal.



Comment tu as appris toutes ces choses qui te permettent d’orienter les personnes ?


Je me suis beaucoup renseignée. C'est pour ça que je t'avais dit qu'au bout d'un moment tu peux aider beaucoup plus rapidement, alors qu'au début ça prend beaucoup plus de temps quand tu sais pas trop comment ça marche. A l'association de la Croix Rouge, t'es formée par exemple, mais dans les petites associations tu es davantage autodidacte. Il y a des guides aussi, comme le Guide de l'Urgence Sociale (GUS) que fait la maison de la métropole pour les personnes à la rue, pour qu'ils sachent où aller se doucher, manger, des choses comme ça, et il y a le "Watizat". C'est comme ma bible ! Ils en sortent un par mois, c'est fait par des bénévoles, c'est le guide d'informations pour les personnes exilées. Ils t'expliquent toutes les procédures, les adresses utiles, où apprendre le français, tout ! Nous on peut vachement se baser sur ça pour orienter. Parce que si tu donnes directement ça à quelqu'un, déjà la plupart ne parlent pas français, et après c'est dur de trouver la bonne information. C'est fait d'abord pour les gens mais ça sert beaucoup aux associations. Parce que y a énormément d'informations, déjà pour quelqu'un qui parle français on te donne ça t'es perdu et tu ne sais pas où chercher l'info. Donc un intermédiaire c'est bien. Nous, on voulait en faire un autre avec les cas pratiques qu'on avait rencontré et comment on y avait répondu. Le problème c'est que ça évolue tout le temps, et avec le Covid en plus y a tout qui a changé. C'est pour ça que le Watizat sort une fois par mois, ils mettent à jour toutes les infos. Le GUS c'est un par an.



Autre chose que tu aimerais dire à propos des jeunes que tu accompagnes?


Je ne veux pas renvoyer que cette image de gens qui ont souffert et sont complètement cassés. C'est aussi des gens avec qui la plupart du temps tu peux rigoler, partager à manger, partager des moments. C'est pour ça qu'à le fois je voudrais que les gens comprennent tout ce qu'ils ont enduré pour développer plus d'empathie, mais il ne faut pas développer de la pitié non plus. C'est important, il ne faut pas rentrer dans la pitié non plus parce que la personne va se sentir encore pire. De l'empathie, sans tomber dans la pitié. C'est juste des gens comme toi, qui vont sur les quais s'amuser et jouer au foot sur des terrains.



Pour résumer, qu’est-ce que tu aimerais dire aux étudiants en médecine qui vont être amenés à soigner ces personnes ?


Il faut être empathique. Ils n’ont pas le même parcours, pas la même culture et surtout ils vont être méfiants. Si tu ne prends pas le temps, tu peux faire qu’ils ne veuillent plus jamais aller chez le médecin. Il faut prendre le temps de leur expliquer, et accepter aussi que s’il est en retard c’est plus normal qu’un patient qui vit dans sa maison. Donc se poser deux fois la question si j’ai un patient qui a une certaine attitude, peut-être qu’il a ses propres problèmes derrière et être un peu plus patient. Et essayer de relayer l’info sur l’accès aux soins.


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