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Charlotte Lecote

Témoignage de Raymonde, résidente à Petites Soeurs des Pauvres

Dernière mise à jour : 18 sept. 2021

Ça fait longtemps que vous êtes ici ?


Oh, ça fait pas longtemps, ça fait, ici, ça doit faire un peu plus d’un mois maintenant. Le 11 avril, alors vous voyez…


Vous êtes une nouvelle alors…


Ah oui oui oui, c’est pour ça que je suis un peu, un peu perdue. Parce que j’ai fait quand même, j’ai eu beaucoup d’ennuis de santé, depuis, oui depuis que je suis vraiment à la retraite, alors je suis un peu perdue. Mais là je pense que ça va aller mieux parce que on m’a changé de restaurant (Raymonde parle des cantines aux PSDP).


Moi, ça ferme pas ici.. (Ici Raymonde parle de sa chambre, car entre temps sa voisine est venue)

Ça me fait bizarre, parce que moi quand j’étais jeune jamais on a laissé ouvert la nuit, alors ça me, je sais pas, quand j’entends du bruit la nuit, ça me fait un peu peur..


Alors vous étiez une famille nombreuse ?


On était 7 enfants ! Rien que ça ! C’est pour ça moi je me suis pas mariée, parce que on nous expliquait rien autre fois, vous saviez pas comment vous étiez faite ni rien, c’était comme ça à l’époque…je trouve c’est, c’est stupide tout ça ! Bah oui justement parce qu’on aurait besoin, justement de savoir un minimum au moins. Fin vous ça doit être déjà bien différent, avec votre génération et puis vous êtes peut-être née en ville..


Oui, vous êtes née à la campagne vous ?


Bah bien sur, dans un petit village de 900 habitants, à l’époque je m’en rappelle, alors j’y suis pas restée parce que j’ai pas eu envie, j’ai vu tellement maman batailler… Enfin, elle nous a élevé, on avait pas l’eau sur l’évier bien sur, à l’époque. Mais on en avait dans une, comment on appelle ça… elle lavait dans une benne, dans une arrivée d’eau. Et elle a tout à laver à la main, et elle faisait la cuisine, et… oh non j’ai pas eu envie de cette vie-là même que je comprenais pas très bien à l’époque, et non non j’ai pas voulu rester, non, non j’ai pas voulu rester. Je voulais pas rester à la campagne parce que je l’ai vue trop peiner, tellement. Elle est morte, elle avait 70 ans, elle avait un cancer que j’ai eu aussi.


Que vous avez eu aussi ?


Oui, mais plus tard, un cancer d’un sein. Mais moi j’ai été soignée dès le départ, elle, elle craignait beaucoup, elle craignait beaucoup les voitures. Elle supportait pas non, elle faisait 8 km allé, 8 km retour pour nous acheter un manteau de temps en temps, on se le passait. Alors non je n’ai pas eu envie de cette vie. A lors j’avais plutôt envie d’aller en ville. C’est vrai à la campagne, oh oui à l’époque, elle a peiné (ici Raymonde parle toujours de sa mère, elle en parle beaucoup). Alors moi, j’ai pas eu envie de cette vie..


Et du coup vous êtes partie en ville ?


Oui, quand j’ai pu, parce que là aussi, y avait pas de cars, puis enfin ça coute cher.. Y avait un car qui allait pour le marché, le mardi. Mais elle (toujours sa maman) aurait pu faire ça, c’était quand même un allé, un retour. Alors j’ai pas eu envie d’une vie comme ça, je l’ai vu trop peiner. J’ai compris beaucoup de chose plus tard mais bon… Et oui,.. c’était pas le rêve non plus autrefois, surtout pour les femmes. Surtout si les hommes étaient un peu dur, qui se rendent pas compte aussi… Mon père avait son dimanche, fin il prenait du temps, maman elle arrêtait pas, elle arrêtait pas ! Il fallait faire la cuisine, il fallait allé ramasser les légumes, oh non, ouh la la, vous savez j’ai pas eu envie…. Puis on était nombreux alors… il aurait pu faire attention quand même (elle parle de son père)… mais est-ce qu’il savait seulement ? Vous savez, j’en sais rien ah ah… alors voilà.


Vous avez fait quoi en ville du coup ?


Ben c’est une amie d’école qui est morte depuis longtemps, elle avait deux ans de plus que moi qui avait une soeur qui était placée déjà en ville pour gagner un petit peu d’argent. Alors, elle m’avait trouvé quelque chose. On lui avait demandé à elle parce qu’ils (les gens des villes) aimaient bien les personnes comme nous, on en faisait ce qu’on voulait ou presque.

Alors, ils avaient demandé, alors elle avait pensé à moi, alors elle leur avait donné mon adresse, ils m’ont écrit et ils sont venus le dimanche me chercher. Ça a été rapidos !

Ben voilà, puis, je suis restée en ville. Je revenais voir mes parents bien sûr.

Mais j’ai pas eu envie de péner comme ma maman a fait. Oh non, vous vous rendez compte ? Ces pauvres femmes…

Alors non, j’ai pas eu envie. Puis, je suis arrivée. C’était une famille de quatre euh.. trois garçons et une fille, j’men rappelle même les noms. Ah c’est vous dire si ça m’a marqué ! J’étais jeune, j’avais 18 ans… alors voila je suis allée en ville, sans rien connaitre, mais ils étaient gentils quand même. Je faisais la cuisine, et ils me servaient, je mangeais à la cuisine parce qu’eux ils étaient déjà six à table.



Et vous êtes restée longtemps ?


Là, je suis restée quatre ans, un peu plus, mais y avait une petite fille, Pascal, je m’en rappelle, ah c’est vous dire ! Et puis, ce jour là, elle a pris une idée de me crier après, mais un bruit, elle hurlait, je sais pas comment elle faisait. J’ai dit: « Pascal, arrêtez, je peux plus, ça me fatigue ». Ouh la la la mère, ah bah, on aurait vraiment dit que je la laissait sa fille… Mais enfin, j’étais pas non plus obligée de supporter ça. Si je laissais prendre au départ, c’était fichu. Alors c’est là, j’ai dit de toute façon, je rentre chez mes parents. Et c’est après que j’ai eu cette amie d’école qui m’a trouvé cette place. Au début, j’étais logée dans la cuisine bien souvent, mais après ils arrivaient à me caser quelque part. Non mais je suis restée à un endroit dix ans, je faisais la cuisine. Oui, j’ai du rester dix ans chez eux, mais ils étaient gentils. Je crois que c’est eux qui me coupaient ma ration de viande pour que je sois pas délaissée. Non, mais ils étaient gentils ces gens là, ils louaient. Voilà !


Et après vous avez fait quoi ?


J’ai continué, je suis restée en ville. J’ai trouvé d’autres places où j’étais pas mal parce que je serais pas resté sinon.


Vous avez beaucoup vadrouillé dites donc…


Oui ! Oh oui, ça a pas été du sur place. Non mais, je, enfin c’est pas pour dire mais ils aimaient bien parce qu’on était de la campagne et on était pas des personnes qui avait l’habitude dépenser… mais je suis restée dix ans chez ces gens, et je les ai vu jusqu’à ce qu’ils prennent leur retraite, que lui ait eu sa retraite, qu’il est partis à… je savais même le nom, j’y suis même allée… non mais pourquoi j’oublie le nom ? Mais ils étaient revenus, ils m’avaient réécris quand ils venaient parce qu’ils avaient gardé un appartement pour leur fils… Oh la la, je sais plus comment je raconte ça, je suis un peu perdue…


Vous inquiétez pas… et du coup vous êtes arrivée ici, il y a pas longtemps… comment vous avez connu cet endroit ?


Oh mais j’ai quand même, après j’ai pu avoir un petit chez moi quand même. Je rentrais chez moi, je faisais à manger. Souvent, j’emportais la soupe que j’avais fait chez les patrons. Ils me le disaient, j’aurais pas fait de moi-même. Ils amenaient les légumes de la campagne, alors c’était bon… je faisais la soupe avant de partir et j’en emportais toujours un pot ou deux pour moi. Ils aimaient bien les gens de la campagne, oui parce qu’ils avaient pas des gouts trop… oui…

Voila !


J’oublie tout maintenant, je tombe de moi-même, toute seule. Et deux fois on m’a ramassée, c’est les pompiers qui sont venus me chercher parce qu’on leur avait signalé.. mais c’est maladif ça, j’étais déjà âgée..


Ah et c’est pour ça que vous êtes venue ici ?


Oh non non, la maladie, ça c’est encore autre chose. Pfff, vous voyez maintenant, c’est tout embrouillé dans ma cervelle… nan mais c’est vrai..



Et vous êtes bien ici ?


Ici, je suis à l’hôpital.


Ah bon ?


Mais c’est compliqué ma vie, compliqué sans l’être mais compliqué sans l’être… oui oui, je suis à l’hôpital

Depuis que j’ai eu ces chocs, ça fait quand même deux fois que je tombe de moi-même par terre et que j’ai pas pu me ramasser ni rien, alors vous savez ça arrange pas ça….


Ah bah ça je veux bien vous croire.. Et vous avez pu rencontrer un petit peu de gens ici ?


Je sais plus où j’en suis. Ça me perturbe beaucoup, ça m’a marqué…


D’être ici ?


C’est l’hôpital qui m’a envoyé ici. Je suis ici depuis peu, parce que j’avais un petit chez moi, et puis j’ai du partir assez rapidement..


Ça vous manque un peu ?

Pfff, j’ai quand même plus de 80 ans, je me rappelle même plus de mon âge c’est vous dire !


Et ça va la Covid, ça ne vous a pas trop perturbé ?


Si, j’ai été malade.


Ah vous avez eu la covid ?


Ah bah bien sûr ! Oh je suis gâtée, mais bon, j’ai pas d’enfant donc bon..


Et, ça va, on s’occupe bien de vous ici ?


Oui, oh oui !

Vous voyez je sais plus maintenant, je suis perturbée pas mal…


Et du coup vous avez fait quoi ce matin ?


Ouh la la ce matin, je me suis pas levée tôt d’abord. Puis, on m’a donné une douche complète…


Et vous voyez encore vos frères et soeurs, un petit peu ?


Très peu parce que comme y a eu tout ça, ces maladies et que j’ai été touchée quand même. On m’a refait y a pas si longtemps deux piqures pour le Covid (ici elle parle du vaccin). Alors, je peux difficilement voir ma famille, d’ailleurs moi j’y tiens pas. Je veux pas leur porter en plus, ils ont déjà assez comme ça.

Mais je perds les notions maintenant, je m’en rends compte oui..


Puis, Raymonde a re-évoqué son travail


J’ai travaillé pas mal chez les gens mais dans l’ensemble ils étaient gentils. Oh, j’ai pas gagné des cents, des milles, je suis pas milliardaire ah ah. Mais c’est pas ce que souhaitais. J’ai déjà certainement moins peiné qu’a peiné ma mère. Et j’avais une soeur ainée, elle est devenu religieuse. Et… vous voyez j’arrive pas a suivre… oui ben, elle a jamais été gentille pour moi cette soeur. C’était pourtant ma grande soeur, elle aurait pu être un peu plus, c’est pas parce qu’elle est devenue religieuse, qu’elle a eu un diplôme… mais moi si j’avais étudié peut-être bien qu’aussi.. mais je voulais pas être religieuse… ah ah. Moi, ça m’avait choqué, le premier jour que je l’ai revu à la maison, chez mes parents, vous savez ce qu’elle m’a dit ? « Bonjour Madame » et sur un ton. Oh quand même ?! Elle aurait pu m’embrassé et être un peu plus … alors j’ai dit non, j’étais bien en ville finalement. Puis, les étés après, j’avais réussi à connaitre des gens. J’allais quand même 15 jours en vacance, j’aimais bien vers le Laus, c’était un lieu de pèlerinage. Et je prenais le train jusqu’à Gap, et c’était bien, j’ai bien bien aimé. Puis, j’avais quand même 15 jours pour aider ma famille.


Et du coup, en ce moment vous ne pouvez plus trop les voir ?


Ah bah non, j’ai perdu mes parents d’abord. Maman, je l’ai perdue et mon père à deux ans de différence. Ils sont morts tous les deux à l’hôpital. Vous voyez ils se soignait pas. Alors voila, ma vie ! Oh mais j’ai bien aimé ce lieu, j’aurais aimé pouvoir y aller quinze jours. J’avais des amis la-bas et on se rencontrait entre personne célibataire souvent, parce que les familles elles y allaient avec leur famille, c’est différent. Non mais j’aimerais bien y retourner, y avait toujours du soleil et y avait la campagne, y avait qu’à grimper si on voulait.. alors voila ma vie toute simple, toute simple mais j’ai bien aimé quand même.


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